Éliane Marie Amélie Colombo naît un 6 juillet 1934 à Homblières (Aisne), près de Saint-Quentin, d’un père italien, chaudronnier milanais de son état, et d’une fille du Nord de la France épousée à Paris. Elle est laissée juste après sa naissance aux bons soins de sa grand-mère maternelle à Homblières. La petite Éliane part le matin avec son casse-croûte, elle grandit dans les champs. Sa grand-mère ne la revoit que le soir. Elle rentre à l’école, vers 5 ans comme cela se faisait couramment à cette époque à la campagne : c’est pour elle la fin de l’indépendance. Elle rend rapidement son tablier sans persévérer. On peut considérer que c’est un miracle si, plus tard, elle sait lire et écrire.
Cette enfance loin de ses parents explique sa relation avec cette grand-mère qui l’accompagnera très longtemps dans sa vie : elle a remplacé une mère qui n’était pas là et lui a donné l’affection dont elle avait besoin pour exister. Nul doute que ces premières années de vie lui ont définitivement forgé le caractère qui transparaîtra dans sa carrière. D’ailleurs, le journaliste Lucien Rioux écrira d’elle : « Il faut là du courage, mais de la part de Pia, cela n’étonne pas. Cette fille mince, nerveuse, à la fois agressive et tendre, a l’habitude des rétablissements. Elle a frôlé la gloire, connu des échecs; elle parle de sa chance. »
À douze ans, ses parents la reprennent en région parisienne et l’emmènent au Théâtre du Châtelet. « Là, c’est comme sur les images pieuses, le Saint-Esprit avec ses rayons dorés qui vous tombe sur la tête », Eliane voit des « gens qui dansent sur le bout des pieds » et c’est la révélation : elle se dit : « Moi aussi ». Nous sommes alors en 1946, c’est le début de la vocation artistique de la future Pia COLOMBO.
Têtue, acharnée, Eliane Marie Amélie Colombo n’a de cesse d’être petit rat au Châtelet. Pour pouvoir rester, elle promet à ses parents qui se laissent convaincre de gagner son pain. Le soir, en regardant bien, on peut apercevoir une fillette noiraude aux yeux éblouis.
En 1949, Eliane a eu quinze ans, mais c’est la catastrophe (une de celles dont les producteurs de disques et les agents artistiques pourraient se servir utilement pour leur biographie publicitaire). Une angine mal soignée dégénère en danse de Saint-Guy. Eliane Marie Amélie s’arrête de grandir, et ne pèse alors plus que 35 kg. La situation devient critique : souffrant de rhumatismes, elle ne peut même pas boutonner son chandail toute seule. Elle fixe désespérément, dans les miroirs, ses mains tremblantes, sa tête branlante et se jure : « Ou je guéris ou je crève ».
Après trois années de maladie, Pia COLOMBO guérit enfin, mais doit abandonner la danse.
Nous sommes maintenant en 1952. Une ancienne du Châtelet, devenue coryphée, l’emmène au Cours Simon. On lui fait bredouiller du Jean Anouilh Antigone, ce qui est dans la nature des choses quand on prend des cours dans un tel lieu.
La coryphée, fille entreprenante, monte un petit spectacle de patronage sous forme de textes et de chansons. Elle demandera à Eliane Pia de chanter, celle-ci accepte et chante sans avoir appris. Un jeune professeur d’anglais au lycée Buffon de Paris, un certain Maurice Fanon, auteur et compositeur à ses heures perdues, l’entend et l’encourage : « C’est très bon, il faut continuer ». Il lui propose de lui écrire des chansons. Elle redevient studieuse, apprend et chante du matin au soir. Une relation amoureuse, mais adultère commence à naitre vers 1955 entre nos futurs jeunes premiers. Fanon s’était en fait marié en Ecosse à Margaret Chalmers Buchan le 14 août 1952 qu’il avait rencontré durant un séjour pour parfaire ses études universitaires d’anglais. Le couple Fanon // Chalmers se décide à divorcer en 1956. Il s’ensuit que toujours en 1956, Eliane Marie Amélie Pia COLOMBO fait sa valise, accompagnée de sa grand-mère, et part s’installer chez Maurice Fanon.
Toutefois, après plusieurs mois de vie plus ou moins commune, Maurice Fanon, sursitaire en bout de course pour ses études doit partir à l’armée, et se retrouve, malgré lui, loin de Pia en Algérie de mars 1957 à mai 1959 pour y soutenir les forces françaises en tant qu’appelé du contingent et alors que la guerre gronde.
Au retour de Fanon en mai 1959, et après les quelques mois de retrouvailles qui suivent, les amoureux Pia et Maurice se décident : ils se marieront le 28 septembre 1960, mais se sépareront près de 3 ans après en 1963. Ils continueront cependant à garder des liens fidèles d’amitié de ces 7 années passées ensemble jusqu’à la fin de la vie de Pia allant jusqu’à lui écrire un spectacle sur mesure en 1979.
Depuis cette époque, Pia COLOMBO sera toujours reconnue étant la muse de Fanon et ce jusqu’à la fin de leurs vies respectives.
Éliane Pia poursuit ainsi ses études de théâtre au cours Simon, puis se tourne rapidement vers la chanson tout en continuant de jouer.
Elle se présente au Collège Inn. On la renvoie : « Vos chansons sont mauvaises, vous êtes mauvaise, tout est mauvais. ». Elle se présente au Cabaret L’Écluse, dans la même journée. Léo Noël, un des cofondateurs de ce lieu de culture et de divertissement estampillé rive gauche, l’engage pour un an. « Deux mille vieux francs par soir, puis trois ». C’est au moins le pain assuré pour elle et la grand-mère. Le pain, mais pas toujours le loyer.
Là, elle prend le nom de scène de Pia COLOMBO et sera l’interprète notamment de la chanson Julie la Rousse de René-Louis Lafforgue. Elle choisit d’interpréter aussi des œuvres de Maurice Fanon en 1956, l’homme avec qui elle vit. Ils se sépareront après plusieurs années de vie commune autour de 1963.
Pia COLOMBO est signée par la maison de disques Versailles avec laquelle elle enregistrera 2 disques maxi-45, soit 8 titres. Elle sort ainsi son premier 45 tours en 1956 avec donc deux chansons de René-Louis Lafforgue (« Julie la rousse » et « La fête est là ») et deux de Fanon (« Isabelle » et « À nos amours » empreint d’autobiographie).
Sa carrière de chanteuse démarrera vraiment à la fin de 1956 en chantant au cabaret L’Écluse qui se trouvait au 15 du quai des grands Augustins, place Saint-Michel à Paris VI (métro : station Saint-Michel). Elle débutera cette même année sur les planches de cette minuscule scène en compagnie d’autres nouveaux venus non dénués de talent : Jean-Roger Caussimon, François Rauber, Marie-Josée Neuville, Caroline Cler, Raymond DEVOS, Henri Garcin et Jean Harold. Elle y chante les chansons de Maurice Fanon que l’on retrouvera sur son deuxième 45 tours : « Le Quai Malaquais », « Moi j’ai l’Italie », « Péniche » et « Si Paris Paris pouvait » qui sortira en 1957. Elle côtoie ainsi BARBARA qui a aussi débuté à L’Écluse, elles se fréquenteront régulièrement. Le livre Le Cabaret « rive gauche » parle des débuts sur les scènes cabarets rive gauche de plusieurs interprètes et auteurs de chansons françaises de cette époque dont notamment BARBARA et Pia COLOMBO.
En 1958, elle poursuit sa carrière de chanteuse avec les disques Philips et joue Hula Hoop au Disco Théâtre du théâtre Marigny (avec Art Simmons et Harold Nicholas).
Elle sera à l’affiche de l’Olympia encore 1958 en première partie de Georges BRASSENS en alternance avec Michèle Arnaud, Jean-Marie Proslier, Jean Bertola, Los Gatos… Premier contact avec un grand public. Brassens l’emmènera avec lui, en tournée. BARBARA est devenue son amie. Toutes deux souffrent de manques de relations familiales avec leurs parents respectifs, cela les a probablement rapprochées.
Autour de 1958, on retrouve trace de son passage sur la scène du cabaret « Port du Salut ».
En 1959, Pia COLOMBO chante et enregistre le titre défendre l’afficher : il fait partie des 6 premières chansons que Lucien Ginzburg (Alias Julien Grix, alias Serge GAINSBOURG) dépose en 1954 à la SACEM dont deux seulement seront sauvées de l’oubli. Puis elle retrouve de nouveau les devants de la scène en vedette américaine. du programme Brassens à Bobino.
Pendant ce temps là, le séjour militaire de Fanon en Algérie est émaillé de quelque écueil, celui-ci tient des propos hostiles à la « pacification » et dérangeants pour sa hiérarchie militaire. A ce titre, il est alors muté et terminera malgré tout avec le grade de caporal. Pourtant Maurice Fanon n’en restera pas là et dénoncera plus tard la torture dans plusieurs chansons : « La Valse à soldats » (1966), et « Le Képicon » (1982). Mai 59, Fanon libérable, est finallement renvoyé dans ses foyers après servi cette guerre d’Algérie qui le marquera comme beaucoup, la vie d’artiste débutante comblée commence alors à sourire à Pia COLOMBO.
En 1959 toujours, elle obtient une première récompense : Coq d’Or de la chanson française pour son interprétation de la chanson « Les flonflons du bal ». Pia COLOMBO enregistre 2 nouveaux disques EP dont la chanson La valse à mille temps que lui a donnée Jacques BREL, parue en 1959 aussi chez Philips.
Mais c’est la chute, le rock et les yéyés arrivent et balaient tout sur son passage et notamment ceux qui n’ont pas eu le temps de s’imposer. Pia retombe et vivote alors tant bien que mal.
Par moments, elle se demande si elle ne devrait pas tout lâcher. Mais comme elle ne sait rien faire d’autre, elle continue à tracer son sillon.
Pia COLOMBO retourne sur la rive gauche dans les cabarets qui l’ont aidé à débuter et se faire un nom. C’est ainsi que l’on retrouvera son nom dans la liste des artistes qui sont passés en représentation sur la scène de différents cabarets comme La tête de l’art avant 1957 et ensuite dans les années 1960. Il en va de même pour son passage sur la scène de la pépinière de Jacques Canetti : le cabaret Les Trois Baudets et à la Maison Pour Tous ou autrement appelé Théâtre Mouffetard, ainsi qu’au cabaret La Contrescarpe avec Francesca Solleville et Christine Sèvres. Pia COLOMBO fait partie aussi de la liste d’artistes ayant débuté ou y ayant été programmé dans les premières années de leurs débuts au cabaret de La Colombe entre 1954 et 1964.
En 1960, Pia COLOMBO interprète Les croquants de Georges BRASSENS. Avec Georgie Viennet, elle passe, de nouveau, en première partie de ses concert à Bobino du 14 au 25 avril 1960.
Maurice Fanon et Pia COLOMBO se marient le 28 septembre 1960.
Le 26 mars 1961, elle est l’invité du gala des 25 ans de l’U.J.F.F. qui publie le journal Filles de France : elle se produit pour cette occasion sur la salle de la Mutualité de Paris, juste après Joël Holmès en première partie et avant le bal de la soirée animée par Georges Jouvin et sa trompette d’or : tenue correcte exigée comme le mentionne l’affiche…
Pia COLOMBO est ensuite repérée à cette époque par Roger Planchon, jeune metteur en scène de théâtre novateur.
Planchon la fait alors jouer et chanter dans une pièce de Bertolt Brecht, tirée des 4 tomes du roman satirique inachevé de l’écrivain tchèque Jaroslav Hašek (1883-1923), publié en quatre tomes de 1921 à 1923 et intitulé Le Brave Soldat Chvéïk. C’est ainsi que fin 1961, début 1962 on la retrouve au théâtre avec Schweik dans la Seconde Guerre mondiale, mise en scène par Roger Planchon au Théâtre de la Cité de Villeurbanne (et futur TNP en 1972), puis au Théâtre des Champs-Élysées. Pia y tient le rôle de Madame Patocka, l’aubergiste. L’ORTF consacrera à cette création de Planchon un reportage télévisé de 8 minutes avec des extraits de la pièce, diffusé le 22 octobre 1961. On y voit et entend Pia Colombo chanter une chanson phare de l’oeuvre sur une musique de Hanns Eisler.
Ce couple d’activités chanson et théâtre l’accompagnera tout au long de sa carrière et particulièrement jusqu’à la fin où elle ira même jusqu’à mettre en scène sa propre vie écrite par le compagnon de toujours Maurice Fanon.
En 1962, elle reprend quelques lieder, qualifiés d’« extraordinaires », de l’auteur révolutionnaire Brecht et mis en musique par Hanns Eisler : Chanson de la femme du soldat, Chanson de la brise, Chant du calice et Chant de la Moldau. Son interprétation y est d’une sècheresse implacable et pourtant presque lyrique. Un disque LP sera publié cette même année avec des transitions de Roger Planchon. On retrouve également au chant sur ce disque Jean Bouise et Clotilde Joano, camarades de scène pour cette pièce. L’EP 4 titres paru simultanément reprend uniquement des titres interprétées par Pia.
Édith PIAF meurt en 1963, un grand nombre de spécialistes de la chanson française pensent alors à Pia COLOMBO pour la remplacer. Mais elle est trop intellectuelle pour séduire le public d’Édith avec cependant un excellent répertoire fait d’auteurs comme Claude NOUGARO, Serge GAINSBOURG, Holmès et Fanon. Le rock et les yéyés continuent leur conquête du public. On trouve alors peu de gens pour croire encore à ce style de chanson française à texte. Mais Pia continue et remonte lentement la pente vers la reconnaissance du public et de ses « pères ».
Cette année 1963, encore, Pia COLOMBO et Maurice Fanon se séparent, il écrira à ce moment-là l’un de ses titres les plus connus L’écharpe qu’elle enregistre en 1964.
C’est évidemment Pia qui a quitté Maurice, comme toutes les femmes officielles ou de rencontre de ce dernier, plutôt porté sur le charme féminin. Il est dit par ses amis et ses confrères du monde de la chanson que l’on décrit Fanon comme un homme serviable aussi charmant et « féminin », la main sur le cœur à jeun, mais en revanche, déprimé, querelleur puis agressif et bagarreur lorsqu’il était bien éméché. Et il avait acquis encore au fil des années une notoriété de grand coureur de jupons.
Le jugement de divorce est prononcé le 16 avril 1964. Fanon avait en fait une maitresse qu’il épouse en 3ème noces le 12 octobre 1964 : Brigitte Tranchant.
En 1964, Georges BRASSENS décide de chanter trois mois à Bobino et il va intégrer dans ses premières parties de spectacle quatre chanteuses successivement auxquelles il donne une chance : Pia COLOMBO, Christine Sèvres, Michele Arnaud et BARBARA. Elle est accompagnée à cette époque par Jacques Debronckart au piano.
En décembre 1964, on retrouve Georges BRASSENS, Pia COLOMBO et Marc Ogeret pour le récital Poésies en chanson à Bobino.
Le 25 février 1965, à La Mutualité, Jean FERRAT, Pia COLOMBO, Maurice Fanon, Christine Sèvres, Claude Vinci et 10 autres artistes se réunissent pour donner un grand gala au bénéfice des sinistrés algériens du tremblement de terre de M’sila, sous le patronage de l’Association d’Amitié et de Solidarité Franco-Algérienne (A.S.F.A.).
Le 24 mars 1966, elle se fait l’interprète du titre Je hais les dimanches, initialement interprété par Juliette GRECO.
Pourtant elle enchainera, bel et bien en 1966, au TNP, sur Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny : un véritable opéra en 3 actes de Kurt Weill et Bertolt Brecht où elle joue la partition de Jenny. Son adéquation avec l’art de Brecht est telle que Pia fut et reste en France son meilleur soldat, loin des vulgaires œillades de cabaret ou des pastels dépouillés et délavés (Ute Lemper). Georges Wilson lui donne carte blanche pour le rôle de Jenny. Il lui précisera simplement : « Surtout, sois toi-même. Fais ce que tu veux, les mouvements que tu sens. Je déplacerai la mise en scène autour de toi. Surtout garde bien ta tête enfoncée dans les épaules. Comme tu es, comme tu es. »
Pia dira de cette prestation de scène à propos d’elle-même : « J’y ai tout appris. Avant je ne savais pas ce que c’était que chanter.» C’est un grand tournant de sa carrière.
L’opéra et son interprétation font la une des journaux de l’époque en matière de spectacle. L’Hedomadaire Le Nouvel Observateur lui consacre la pleine page 31 de son numéro 109 du 14 décembre 1966 : la journaliste Michèle Manceaux revient dans son article sur les débuts de carrière difficile et parle de sa rencontre avec Pia et sa grand-mère dans le petit logement de l’avenue de Saint-Mandé, près de là où vécut Courteline et décoré au mur d’une photo de Marie LAFORET« parce qu’elle est belle ».
Michèle Manceaux écrira notamment au sujet de ce rôle d’opéra :
« Et puis, tout à coup, ce mois-ci, de quarante spectateurs par soirée, Pia COLOMBO passe à deux mille cinq cents et les critiques aiguisent leurs adjectifs les plus ronflants pour décrire « sa voix rauque, sa présence pathétique ». Même si l’on est insensible à la mise en scène au carré de Mahagonny, Brecht et Kurt Weill aseptisés, on ne résiste pas à cette Pia COLOMBO, à son air d’oiseau. ».
En février 1967, elle passe à l’Olympia avec Alain BARRIERE.
Puis, elle enregistre le titre La Rue des Rosiers : paroles de Silvain Reiner et musique de Joël Holmès. Cette chanson qui évoque la rafle du Vel’ d’Hiv’ de juillet 1942, fut écrite dans des conditions très particulières avec Joël Holmès, un après-midi de l’été 1965. Joël Holmès l’avait donnée à Pia Colombo parce qu’elle était venue lui demander des chansons. Pur hasard, sinon, cette chanson tombait à la trappe totalement, car il ne l’avait même pas déclarée à la S.A.C.E.M. et Silvain Reiner l’avait oublié.
Pia COLOMBO part en tournée à l’automne de cette même année en URSS.
On la croit alors prête pour jouer la vedette américaine, fin 1967, de Charles AZNAVOUR à L’Olympia. Mais ça ne fonctionnera pas, elle dira plus tard en 1969 : « Une erreur. J’aurais dû refuser. Le public d’Aznavour n’est pas mon public; je m’entendais mal avec Coquatrix, je n’avais pas confiance. ». Elle se retrouve donc à nouveau en situation d’échec, de ceux qui coulent définitivement une carrière d’ambition modeste. Mais Pia COLOMBO persiste.
Le 14 mai 1968, Pia participe avec Marcel AMONT, Tessa Beaumont, Guy BEDOS, BOURVIL, Leny ESCUDERO et d’autres artistes au gala de bienfaisance au profit des « Enfants du Viêt Nam victimes de la guerre » organisé à l’Olympia par la Croix-Rouge française. Ce gala, en tenue de soirée, dont le prix des places valaient entre 30 et 200 francs, ne fut pas orienté politiquement. Les bénéfices ont été versés, à parts égales, à la Croix-Rouge du Nord-Viêt Nam et Sud-Viêt Nam.
Toujours en mai 68, Bobino est occupé et une soirée y est organisée pour le soutien aux grévistes : pour quelques francs, on voit chanter Jean FERRAT, Isabelle AUBRET, Félix Leclerc, Pia COLOMBO, Georges MOUSTAKI et Leny ESCUDERO.
Un enregistrement de L’Olympia sortira en 1968 dont on trouve actuellement peu de traces (Disques AZ). Il contient entre autres une version en public de « La Rue des Rosiers ». Le contexte explique qu’il soit souvent oublié dans sa discographie. On y retrouve aussi avant sa sortie en format 45 tours Studio en 1969, une version en public de la chanson Le Métèque.
À 35 ans en 1969, Pia COLOMBO prend des risques et tente pour la première fois l’aventure du récital : seule sur la scène du T.N.P., elle occupera pendant un mois le devant de la scène de la salle Firmin Gémier avec pour programme des chansons de Bertolt Brecht, Kurt Weill, des chansons inédites et le répertoire de ses débuts de carrière.
S’ensuivra enfin, en 1969, le fameux récital Brecht/Weill au TNP qui demeure son plus grand succès personnel et dont il sortira un album en public régulièrement réédité Pia COLOMBO Chante Bertolt Brecht & Kurt Weill (Disques AZ). Pia Colombo interprète les textes de Brecht d’une façon particulière : avec un débit rapide (juste le temps de reprendre de petites respirations), sa position de chant est droite, comme quelqu’un qui tiendrait un calicot, prête à entrer dans la bataille. La passion et la souffrance sont tenues à distance, en respect, au profit de l’efficacité d’interprétation du texte et de la musicalité des titres.
C’est d’ailleurs toujours durant 1969 qu’elle obtient pour ce disque un prix d’interprétation et un prix de l’Académie Charles-Cros.
Elle se fera l’interprète encore en 1969 de la chanson «Le Métèque» et «Il est trop tard» de Georges MOUSTAKI avant qu’il ne les reprenne lui-même à son répertoire et qu’elles ne deviennent célèbres chanté à la première personne par son auteur Moustaki. Incontestablement, ces nouveaux enregistrements avec Michel Colombier et son orchestre, l’un des collaborateurs et arrangeur fétiche de Serge GAINSBOURG, modernisent subtilement le style Pia : un deuxième EP est mis en préparation avec les titres Amour printemps, Mon coeur est dans un nuage, La corde, Cependant. Ces titres seront enregistrés, mais elle ne les verra jamais sortir de son vivant. Ces inédits seront finalement intégrés dans le volume Col. « Héritage » : Pia Colombo – Le Métèque (1967-1969) en tant qu’inédits de l’intégrale Universal Music publiée en 2007 pour les 30 ans de sa disparition.
On notera encore que finalement en 1969, Georges MOUSTAKI enregistrera Le Métèque et il est trop tard avec l’autre arrangeur fétiche de Gainsbourg de cette époque, un certain Alain Goraguer dont l’orchestre a accompagné tous les premiers enregistrements de L’homme à la tête de chou.
Durant les années 1960, elle aura enregistré 10 disques maxi-45 : soit 40 nouveaux titres, et quelques autres inédits que l’on peut retrouver, à priori, sur une compilation publiée en février 2010. Ces EP seront partiellement repris en albums en 1964 et 1965.
En 1970, les disques Festival publient une compilation d’EP L’écluse de sa période 1965.
En 1971, elle reprend le chemin des planches au théâtre dans une pièce de Bertolt Brecht « Maître Puntila et son valet Matti », mise en scène par Jacques Rosner, au Théâtre du Lambrequin, Théâtre national de Strasbourg. Elle enregistre également un nouvel album de 11 titres avec la maison de disques BAM. Le disque de 11 nouveaux titres est intitulé sobrement « Pia Colombo » et son premier titre est Un pays. Sa sortie sera accompagné d’un 45 single : Adagio nocturne.
En 1972, on retrouve Pia COLOMBO sous les traits du personnage la libre-penseuse dans la pièce « Il faut rêver dit Lénine » de Roger Pillaudin. Cette pièce de théâtre musical avec jazz et musique improvisée de Hongrie et d’ailleurs est mise en scène par Jean-Pierre Dougnac. Elle sera présentée pour la première fois le 15 juillet 1972 et jouée pendant 5 représentations au festival d’Avignon (coproduction ORTF et Festival d’Avignon).
Toujours cette même année, Pia monte un nouveau spectacle de chanson qu’elle crée et met en scène : 1930 ou la danse sur un volcan interprété notamment en décembre à la Maison de la culture d’Angers. Les arrangements musicaux ont été réalisés par Karin Trow, l’épouse de Georges Wilson, directeur du TNP.
Pia COLOMBO fait partie à cette époque du groupe d’artistes qui anime La grande kermesse écologique du 11 au 24 octobre 1972, tous les jours de 18 à 24 heures au cinéma Ranelagh – 5, rue des Vignes à Paris XVIe. On retrouve dans ce mouvement Areski Belkacem et Brigitte Fontaine, Georges MOUSTAKI, Rufus, La Horde catalytique pour la Fin…Débats sur les solutions parallèles et alternatives à la pollution à l’issue de projections de film pendant une semaine consacrée à un nouveau mouvement naissant : l’écologie.
Cette même année, le journal Télérama utilise le nom de Pia COLOMBO et d’autres artistes pour vanter dans une campagne publicitaire la qualité de son rédactionnel : son nom figure avec ceux de Olivier Messiaen compositeur et organiste français; Dave Mason, rock star; et Jacques BREL auteur, compositeur, interprète. Ce qui montre bien sa notoriété au sein d’un public avant tout intellectuel.
En septembre 1973, L’humanité et le PCF ont oublié les propos « récupérationistes » sur les chanteurs engagés venus soutenir les manifestants de mai 68. Elle est alors l’une des têtes d’affiche de la fête de « l’Huma » en compagnie de MOULOUDJI, Serge LAMA, Mort SHUMAN et Marc Laferrière.
En 1974, après un changement de maison de disques pour la maison de disques Meys, paraît un nouvel album toujours intitulé sobrement « Pia Colombo » : il contient 12 nouveaux titres dont les singles Les blés et Les communistes. Cet album scelle ses retrouvailles artistiques avec Maurice Fanon (titres « Le Che », « La maison devant la mer »…)
Toujours en 1974, elle fait partie des personnalités qui soutiennent ouvertement la candidature de François Mitterrand à l’élection présidentielle française de 1974. On retrouve son nom juste à côté de ceux de Francesca Solleville, MOULOUDJI, Marc Ogeret, Maurice Fanon, Henri Tachan, Francis Lemarque, Marina Vlady, Jean FERRAT, François Chaumette, Catherine LARA, Catherine Sauvage…
Au cours des années 1970, ses chansons seront ambassadrices d’une certaine culture, et Pia COLOMBO donnera récital en Italie, en France, à Cuba, pays de lutte communiste et aux États-Unis.
En 1975 sort en un album de 5 chansons inédites de Léo FERRE enregistrée par Pia COLOMBO, qui colle bien à ses idéaux. Léo FERRE ne pouvant pas chanter ses propres chansons, il choisit la trempe, la stature, mais aussi la colère et la révolte, ce dont n’a jamais manqué Pia COLOMBO, chanteuse ontologiquement politique et lui donne alors ses nouvelles compositions à interpréter. Répertoire assez inhabituel pour les interprètes, elle est en effet la seule à avoir chanté ces titres. L’album est produit par Léo FERRE, lui-même et sort en même temps que son album « Ferré muet… dirige » qui contient les titres en version instrumentale.
Cette même année, elle donne récital dans Les mardis du Nouveau Carré. Le nouveau carré, 5 rue Papin à Paris a décidé cette année 75 de consacrer des rendez-vous à la chanson française et la poésie en soirée.
En juillet 1977, elle joue le rôle principal dans Mille Hourras pour une gueuse, pièce de théâtre de Mohammed Dib mise en scène par Rafaël Rodriguez et présenté pour la première fois le 18 juillet 1977 et joué jusqu’au 21 au Théâtre Ouvert. Les sortilèges des contes, si proches de la réalité sont mis en espace par un grand romancier algérien.
Toujours en 1977, Pia est brusquement malade et découvre qu’elle est atteinte d’un cancer.
Puis, Pia malade reste longtemps silencieuse jusqu’à la fin 79.
Luttant contre un cancer qui va l’emporter, elle joue, entre 1979 et 1981, un spectacle écrit par son ex-mari, et ami de toujours : « Requiem autour d’un temps présent », oeuvre de Maurice Fanon qui retrace sa carrière de chanteuse et de sa muse. De ce spectacle autobiographique, sortira un double album sur le label WEA intitulé Requiem autour d’un temps présent. Il fut enregistré avec le percussionniste Mino Cinelu qui joua aussi tout au long de la tournée en France, la mise en musique est signée de Gilbert Cascalès, l’un des ses accompagnateurs sur scène au piano. L’équipe de scène est complétée par Patrice Cinelu à la guitare, Denis Barbier aux flûte, scie musicale et saxophone, Philippe Simon aux synthétiseurs et au trombone. Tout ce petit monde se réunira au Studio des Dames, lieu très connu des artistes de cette époque pour une session d’enregistrement avec Henri Loustau à la prise de son.
Le 22 avril 1981, Pia COLOMBO effectue une de ses dernières apparitions à l’Olympia immortalisée par un photographe de l’agence Keystone.
L’une de ses dernières apparitions sera télévisée et très remarquée : pour « Le Grand Échiquier », elle répondra présente à l’invitation de Jacques CHANCEL et le public la découvrira chauve, malade, mais debout et fière.
Sur la fin de sa vie, elle se retire pour affronter la maladie.