Jacques REVAUX : "Ni SARDOU, ni moi, n'aurions envie de nouvelles chansons communes"

Par Thierry Cadet
Le 25 novembre 2014
8 mins
Jacques REVAUX : "Ni SARDOU, ni moi, n'aurions envie de nouvelles chansons communes"
Crédit photo : Bastien Kossek - Hors Format

Jacques REVAUX, l’un des plus grands compositeurs français, des plus grands tubes de Michel SARDOU, Johnny HALLYDAY, Eddy MITCHELL, mais aussi SHEILA, DALIDA, Hervé VILARD, Charles AZNAVOUR, au légendaire standard français « Comme d’habitude » pour Claude FRANÇOIS, a dévoilé ce mois-ci sa biographie « Ma vie en chansons« , l’occasion pour Bastien KOSSEKRendez-vous avec… » sur Melody), de revenir avec lui sur son parcours (il est aussi fondateur du label Tréma), et notamment sur sa relation houleuse avec l’interprète de « La maladie d’amour » – des confidences exclusives qu’il n’a pas évoquées dans sa biographie. Morceaux choisis.

SARDOU n’a jamais eu la vocation de transpirer comme JOHNNY. Allez, à la fin du tour de chant, pas avant. C’est peut-être moins le cas aujourd’hui, même si je sais que, de temps en temps, il peut retrouver une certaine fougue …/… On ne s’est pas revu pendant une dizaine d’années, pour des raisons parfaitement explicables, de son point de vue. De mon côté, je n’ai jamais toléré qu’il s’offusque du fait que j’étais épuisé, que j’en avais assez, et que je décide de faire autre chose, tout en lui proposant d’autres compositeurs et producteurs que moi, et toujours moi ! Mais sans doute n’avais-je pas le droit, pour lui, d’avoir mes propres réflexions. Finalement et devant le fait qu’il ne me prenait pas très au sérieux, je n’ai plus eu d’autres expectatives que de m’en aller. Et je lui en ai voulu parce qu’il m’a amené à me faire hara-kiri, et vendre la totalité des parts de ma maison de disques ! …/… Je vais vous le redire, au bout de trente et quelques années, je n’en pouvais plus. Je passais ma vie en studio, ma vie n’était faite que de remises en questions. Vous savez ce que c’est : le trac, le mal au dos, les nuits sans sommeil durant lesquelles on se demande si ce qu’on a fait est bien ou pas ? Tout en sachant depuis 1978, qu’à la moindre imperfection, je suis viré. Ce n’était pas une trahison. SARDOU est quelqu’un de très versatile. Attention, je dis ça, mais je reconnais également la fidélité qui a été la sienne avec ses collaborateurs confie-t-il à Bastien KOSSEK pour Hors Format.

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Nous avons des amis communs : Maryse et Philippe GILDAS. Nous sommes voisins en Corse. Les GILDAS, comme la majorité de nos vrais amis, n’ont jamais supporté de voir cette association liquidée en trois minutes. Je vais vous dire, là encore, ce que je n’ai pas pu écrire dans le livre. En 99, j’épouse Lola. Frank ALAMO, Hervé VILARD, et beaucoup d’autres amis intimes sont invités. SARDOU, lui, est mon témoin de mariage. Alors que les artistes improvisent un bœuf, SARDOU prend le micro et dit : « Aujourd’hui, nous célébrons le mariage du plus grand compositeur du siècle ! ». Une heure après, il se barre. Et je ne l’ai plus jamais revu …/… Maryse GILDAS me demande donc de venir à un dîner qu’elle organise, et où SARDOU est également invité. Je lui ai répondu : « D’accord Maryse, mais tu prends un risque ». Quel risque ? Qu’il me fasse une mauvaise réflexion et que je lui dise d’aller se faire voir. Finalement, j’ai été agréablement surpris. Bien sûr, tout le monde a vieilli, mais ça, peu importe. On a passé une soirée à ne pas se dire grand-chose, c’était génial (sourire) ! On était presque en face l’un de l’autre, il bavardait avec la droite de la table. Tiens, comme si je ne le connaissais pas (sourires). Moi, je dois bien avouer que je faisais pareil, avec le côté gauche. De temps en temps, il me disait « Et, la vieille ! Tu te souviens de ça ? ». C’était complétement ce qu’il fallait. Il m’a demandé comment j’allais, sans jamais faire d’allusions aux souvenirs difficiles. Un comportement qui me plaît, digne de gens qui savent se conduire. Pour vous dire la vérité, je ne m’attendais pas à ça. J’avais même des réponses toutes prêtes au cas où il m’attaquerait. Le lendemain, j’ai regardé sur mon iPhone les photos que ma femme avait prises, j’en avais de tout le monde, sauf avec lui. On n’a pas immortalisé ce souvenir, c’est comme ça. Voilà.

Jacques REVAUX revient également sur un projet d’album de duos qu’il avait autour des chansons de Michel SARDOU, pour une sortie simultanée avec celle de sa biographie. Je vais vous dire : j’ai tenté une dernière chose il y a quelques mois. J’ai essayé, j’ai échoué. Mon idée – vous allez voir comme elle est originale de nos jours – était de faire venir un certains nombre de jeunes artistes pour chanter à ses côtés. Ne vous moquez pas, si elle ne l’est plus aujourd’hui, cette idée a été très originale il y a vingt ans, au moment où j’y ai pensé pour la première fois. Je pense avoir souvent été précurseur, parce que j’écoute, je regarde, j’observe. En mai, j’ai appelé Pascal NEGRE (ndlr : Président d’Universal Music) pour lui dire : « Franchement, ça serait pas mal qu’on fasse quelque chose qui accompagnerait la sortie du bouquin ». S’il me disait oui, je repartais en studio. Inutile de vous dire que j’avais déjà la liste des chansons, c’était imparable ! Je prenais tous ces jeunes artistes, et je leur faisais faire des duos, souvent en gardant la voix et les playbacks originaux de Michel, et quelques titres où il aurait rechanté avec la jeune génération. On aurait aussi pu les faire chanter par les jeunes sur la version originale, en faisant quelque chose d’habile. Je me suis fait tancer par Pascal NEGRE. Il a été très amical et m’a dit : « Ça ne pourra pas marcher. La majorité de la nouvelle génération ne fera rien avec SARDOU » …/… Il n’est pas avenant, pas très chaleureux. Bon, avec nous, on s’en fout, on a eu l’habitude de prendre des claques dans la gueule. Mais avec les jeunes, c’est un peu dommage. Pourtant, il aime un certain nombre d’artistes. Je suis convaincu qu’on pouvait faire quelque chose de bien. Franchement, ça m’aurait fait bander.

« Ma vie en chansons » est disponible en librairies, aux éditions Ramsay.

Thierry Cadet